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« Enfant qui court entre les flammes
Sous les bruits sourds, les cris d’alarmes
Adieu bonheur, douceur tranquille
A nous terreur, exode et exil »
HK/ HK, Saïd Zarouri, MeddyZiouche
«Refugee »
L’Empire du papier (2017)
« J’amuse mon monde, mais le monde va mal ». C’est ce que l’artiste Kaddour Hadadi chantait dans sa chanson « Le troubadour », en 2011, dans son album « Citoyen du monde ».
Ce 05 juin 2018, le troubadour est devant nous.
Tous les élèves de Première littéraire et de seconde le regardent ; ils l’écoutent attentivement.
Notre troubadour est le compositeur et musicien du groupe HK et les Saltimbanks, et il nous interprète, ce matin-là, « J’ai marché jusqu’à vous ».
Cette chanson appartient à son album de 2017 « L’Empire de papier » qu’il a signé HK.
L’artiste veut toucher… Toucher les âmes, toucher les consciences ; et on l’écoute chanter :
« J’ai quitté mon petit village
Emportant pour seuls bagages
Des restes de rêves d’enfant
Des gentils qui gagnent à la fin »
Les jeunes sont gagnés par cette sensibilité qui donne toute la place à ceux qui ont tout perdu :
Ils interrogent alors l’artiste :
« Pourquoi évoquez-vous des réalités si dures sur des mélodies si douces ? », lui demande-t-on.
HK explique que « J’ai marché jusqu’à vous, récits d’une jeunesse exilée » est, avant tout, un documentaire de Rachid Oujdi, sorti en 2016 et dont il a fait la bande son.
Venus seuls, principalement d’Afrique et du Moyen Orient, ces voyageurs sans visas débar
Dans ce film, nous découvrons l’histoire de tout jeunes réfugiés : leur solitude, leur détresse, leur peur… Il y a beaucoup de douceur chez ces enfants, ces mineurs venus d’Afrique, du Moyen Orient jusqu’à Marseille, et c’est cette douceur qui a touché l’artiste, nous explique-t-il.
Kaddour Hadadi est profondément touché par la souffrance de ces enfants de l’exil en danger ; et nous pourrions relire le poète Ashraf Fayad, dans Instructions à l’intérieur (poèmes traduits de l’arabe par Abdellatif Laâbi), pour nous souvenir que ces enfants innocents meurent, aussi :
« Les enfants sont des moineaux
mais
ils ne construisent pas leurs nids
dans les arbres morts »
HK est père ; il sait faire parler d’autres pères dans ses chansons, des pères qui fuient et quittent tout pour offrir un avenir à leurs enfants. On pense bien-sûr à ces mots de la chanson « Refugee » :
« Viens ma fille, viens mon ange
Aujourd’hui nous prenons le large
Cramponne-toi quoiqu’il arrive
Tu n’échoueras pas sur l’autre rive
Sommes-nous les seuls ? Sommes-nous les premiers ?
Sommes-nous les seuls ? Serons-nous les derniers ? »
HK rêve bien de fraternité pour les enfants :
« Régugiés, nous l’avons tous été. Nous le serons un jour. C’est l’histoire de notre vieux monde qui se rejoue. »
Interrogé, alors, sur ces pays d’Europe qui dressent des murs, fermant leurs portes, notre invité prévient : « J’ai toujours refusé d’incriminer les autres… J’essaie d’amener l’autre à réfléchir. ».
Et c’est par la chanson qu’il tente cela.
Il poursuit, devant ces élèves amateurs de création engagée, et passionnés par cet homme au grand cœur : « Une chanson est un « grain de sable », certes ; mais elle peut faire changer les regards et peut toucher les âmes et les cœurs, nous dit-il.
Lucie avait son idée avant de venir : « HK, avec ses chansons, fait le tour du monde : il dénonce les hommes qui répètent, depuis des siècles, les guerres, les colonisations, les hontes. C’est un poète très humain ». Kylian, un élève de la même classe de seconde, la rejoignait sur ce point : « HK a une grande sagesse ; il traite, dans ses chansons, de sujets internationaux qui concernent tout le monde, car nous sommes tous des citoyens du monde ».
Avec ses chansons contre le racisme, contre la haine, et pour le respect de la liberté et des droits humains, Kaddour Hadadi rassemble, réveille, réchauffe.
Tous ces élèves sourient, quand l’homme se présente comme un artiste heureux : « Pour rien au monde, je ne changerai de métier ; je ne changerai de vie pour rien au monde ; je voyage beaucoup, j’ai une vie extraordinaire, je vis des moments très riches ! ».
Nous l’envions.
Ce poète a étudié les mathématiques ; il écrivait et chantait, déjà au lycée… L’écriture et la musique ne lui ont pas laissé le choix. Très jeune, il voua à Aznavour et à Brel une grande admiration. Sa maman écoutait des chansons d’amour et, lui, écoutait « One love », de Bob Marley.
Sans doute cela l’a-t-il conduit à son autre groupe, « HK et les Déserteurs », et à ses reprises de la grande chanson française.
Le « frisson de la scène », Kaddour sait le décrire ; il en parle avec chaleur face à des élèves qui présenteront en juin prochain, à l’épreuve anticipée de français, sa poésie et ses réécritures.
Inès fera justement remarquer que les élèves et lui ont le même point de départ : le lycée Van der Meersch…
Oui, notre artiste passa son bac, ici…
Sarah admire HK, et le dit : « Il mérite d’être entendu, d’être étudié, d’être rencontré… Cet artiste aime prendre des risques… Et, nous, adolescents que nous sommes, nous aimons aussi prendre des risques. ».
Sans doute l’espoir est-il un sacré risque, de nos jours…
HK n’a peur de rien quand il parle d’amour : « Nous devons dépasser la peur, nous élever ensemble ; Il faut tenir ferme son désir d’envol », promet ce musicien aux textes si poétiques. Sans doute est-ce pour ce rêve d’envol qu’il écrit beaucoup…
Kaddour Hadadi refuse de lâcher les espérances ; il faut l’écouter se livrer dans son analyse de notre époque : « aujourd’hui, on a perdu le désir de danser ensemble ; notre monde manque de poésie et d’amour. On nous fait vivre dans un monde où on ne peut plus rêver. La chanson, de tout temps, est ce qui prouve qu’il faut continuer à danser, sortir, et sourire ensemble. ».
L’artiste est généreux. Il rêve, dans sa chanson « Moun Lib » de « nos enfants main dans la main » : « ensemble vers demain ».
De son dernier roman, Le Cœur à l’outrage, il dira : « Le Cœur à l’outrage est bien un roman d’amour » ; il y a répété son absolu de liberté et de fraternité ». Il y confirme aussi ce que promettait son premier livre : J’écris donc j’existe.
La création lui est indispensable.
Comme elle le fut à son père, un marchand de fruits et de légumes sur le marché de Roubaix : « Papa allait sur les marchés ; il était comme un saltimbanque ». Métaphoriquement, HK explique qu’il n’a fait que « remettre la casquette » de son père, un père transfiguré dès lors qu’il passait son tablier de primeur, face à sa clientèle : son public.
La première scène fondatrice fut, donc, celle du père derrière son étalage ; et c’est dans cet héritage que s’est forgé tout l’amour de l’autre qui anime HK. Notre homme doit beaucoup à cet illusionniste de la famille, son papa qui vécut, le premier, sa création sur cette scène urbaine : Roubaix !
Roubaix a nourri le leader de « HK et les Saltimbanks ». Il s’y est construit. S’il se dit citoyen du monde, c’est parce qu’il fut d’abord citoyen de Roubaix, nous dit-il : « il y avait beaucoup d’identités différentes ; c’était une époque fraternelle ; on s’amusait ; on jouait au football ; c’était la coupe du monde, tous les jours ! ».
Les élèves éclatent de rire, conquis par cette belle légende de Roubaix, leur ville : « j’ai grandi avec des Polonais, des Portugais, des Italiens… On était riche de l’histoire de l’autre, on était ensemble. »
Et les souvenirs reviennent : l’artiste nous parle, porté par les années d’enfance roubaisienne,
d’une « société colorée, faite de différences ».
Dans les découragements, Kaddour Hadadi est le gardien des valeurs sacrées.
Avec lui, on aime le mot, le rêve et l’envol…
Et les gens qui l’aiment sont aussi ces «hommes-oiseaux » qui veulent voler avec lui.
Nous sommes de ceux-là, indéfectibles.
Anne Morange